Lorsqu’on évoque les migrations de travail, on pense rarement au Luxembourg comme pays d’émigration. Pourtant, entre 1890 et 1950, des Luxembourgeois ont choisi la Roumanie comme destination professionnelle. Cette facette méconnue de l’histoire est aujourd’hui mise en lumière grâce aux recherches de l’historien Philippe Henri Blasen et à l’exposition “Arbres fruitiers, tunnels ferroviaires et tubes sans soudures”, organisée à Dudelange.
Une migration motivée par l’industrialisation
À la fin du XIXe siècle, la Roumanie, en pleine industrialisation, cherche à moderniser ses infrastructures, son industrie pétrolière et son agriculture. Pour répondre à ces besoins, le pays fait appel à des experts étrangers, principalement venus d’Europe de l’Ouest. Parmi eux, plusieurs Luxembourgeois se distinguent dans divers domaines.
L’un des premiers identifiés est Jean-Nicolas Krier, un arboriculteur de Bertrange. Formé en Allemagne, il s’installe en Roumanie en 1897 pour travailler dans une pépinière d’État avant de devenir enseignant et conseiller en agriculture. Son expertise est largement reconnue dans le pays, mais il reste inconnu au Luxembourg jusqu’à récemment.
Des ingénieurs et des industriels au service de la Roumanie
D’autres Luxembourgeois ont joué un rôle clé dans le développement industriel roumain. Charles Haas, spécialiste des tubes sans soudure, est recruté par le grand industriel Nicolae Malaxa pour diriger une usine à Bucarest. Sa réussite est freinée par la montée du nationalisme et de l’antisémitisme dans les années 1940, le poussant à quitter son poste et à tenter de rejoindre les États-Unis.
L’histoire d’Henri Kintzelé, ouvrier non qualifié devenu chef sondeur dans la région pétrolière de Câmpina, illustre également la capacité d’adaptation et d’apprentissage des Luxembourgeois expatriés.
Une présence interrompue par le contexte politique
Bien que la Roumanie ait été un marché du travail dynamique pour les étrangers, les tensions politiques du XXe siècle ont progressivement mis fin à cette ouverture. L’émergence du nationalisme et les bouleversements liés à la Seconde Guerre mondiale ont réduit les opportunités pour les travailleurs étrangers. L’instauration du régime communiste après 1945 marque définitivement la fin de cette période de migration.
Grâce aux recherches menées sur cette époque, cette histoire oubliée refait surface et rappelle que la mobilité des travailleurs a longtemps été une réalité européenne, bien avant que les frontières ne se referment sous l’effet des conflits géopolitiques du XXe siècle.
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